Face au fléau de la traite des êtres humains, le Sénégal s’est doté d’un cadre juridique solide, s’est félicité l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre ce fléau, cette semaine. L’agence onusienne encourage le pays à renforcer sa coopération transfrontalière avec les pays voisins.
La région d’Afrique de l’Ouest reste durablement exposée à la traite des personnes. Les réseaux criminels profitent de la libre circulation au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la porosité des frontières et de la précarité économique pour déplacer clandestinement femmes, enfants et hommes vers des formes modernes d’esclavage.
Selon le Rapport mondial 2024 de l’ONUDC, près de 98 % des victimes identifiées dans la région sont originaires d’Afrique subsaharienne, 61% d’entre elles étant des enfants, principalement des filles. Le travail forcé demeure la forme d’exploitation la plus courante, suivi de l’exploitation sexuelle et de la mendicité forcée.
Le Sénégal, un pays de transit et de destination
Le Sénégal connaît à la fois des dynamiques de transit et de destination. Des femmes originaires du Nigéria, de Sierra Leone ou du Mali sont conduites vers des zones touristiques comme le Cap Skirring ou des sites d’orpaillage à Kédougou, où elles sont contraintes à la prostitution.
À Dakar, des enfants sont exploités dans la rue ou au sein de foyers privés et des hommes subissent des travaux forcés dans des conditions dégradantes.
Pour contrer ces trafics, le Sénégal s’est doté d’un cadre juridique et institutionnel solide. La loi n° 2005-06 ainsi que la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes (CNLTP) œuvrent de concert avec la Division nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants (DNLTP) placée auprès de la police nationale.
Mody Ndiaye, Secrétaire permanent de la CNLTP, souligne que « l’application des lois ne pose pas de problème majeur, mais elle peut être améliorée », insistant sur la nécessité de renforcer continuellement les compétences des agents de l’État. Il ajoute que « ce qui a été accompli jusqu’à présent a été possible grâce à l’intervention de l’ONUDC » qui facilite la coopération transnationale, organise des sessions de formation et apporte un soutien financier indispensable.
Renforcer la coopération régionale et nationale
Kameldy Neldjingaye, Représentant adjoint du Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’ONUDC, a rappelé que la traite est un crime organisé souvent lié au blanchiment d’argent et à la corruption.
Il a salué les progrès réalisés par le Sénégal tout en appelant à intensifier la collaboration entre pays voisins et à mieux soutenir les acteurs nationaux. L’ONUDC accompagne le Sénégal dans l’élaboration et la mise à jour de son arsenal légal, dans la formation des magistrats, des forces de l’ordre et des acteurs de la société civile, ainsi que dans la coordination opérationnelle transfrontalière.
Appel à la responsabilité et à l’action
La Journée mondiale de lutte contre la traite des êtres humains appelle à l’union et à l’action urgentes de tous les partenaires. Dans son message du 30 juillet, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a insisté sur l’impératif de « briser le modèle de fonctionnement de la traite d’êtres humains – mettre fin à l’impunité, supprimer les profits illicites et renforcer les systèmes judiciaires et pénaux. Les auteurs doivent répondre de leurs actes ».
La célébration de la Journée a été inscrite dans le cadre de la campagne « Cœur Bleu » visant à renforcer les réponses nationales et régionales à ce fléau.
Lancée par l’ONUDC, cette campagne invite États, institutions et citoyens à revêtir ce symbole pour dénoncer la traite des êtres humains. Le cœur bleu incarne la douleur des victimes et l’engagement des Nations Unies à briser le cycle de l’exploitation.
Chaque année, le 30 juillet, gouvernements, forces de sécurité, magistrats, organisations de la société civile et médias se rassemblent autour d’un thème fédérateur. Pour l’édition 2025, le message retenu est résumé ainsi : « La traite des êtres humains est un crime organisé – mettons fin à l’exploitation ». La campagne 2025 met à l’honneur les enquêteurs et les juges, acteurs de premier plan face à la traite des êtres humains.